EXPO en janvier-fevrier 2026
« Il était une fois… ». Cette phrase que nous entendîmes si souvent au cours de notre enfance, surtout les plus âgés d’entre nous, résumerait presque à elle seule le thème de notre exposition. Mais il serait trop simple de s’y arrêter. L’ambiguïté réside dans la définition du conte et de la légende.
Le conte repose sur la tradition orale et c’est donc bien paradoxal de choisir ce thème pour une exposition de reliure d’art, laquelle habille et magnifie l’écrit.
Le conte a toujours été colporté. Sa voix est celle des voyageurs, des marins, des anciens. On rapporte des faits réels ou inventés, plus ou moins enjolivés, destinés à émerveiller, à distraire, à faire peur. La vraisemblance n’y a guère sa place et c’est bien ainsi. On a peur de l’ogre, on s’émerveille à la narration des aventures imaginaires sur des mers inconnues ou des contrées lointaines, on rit aux malheurs ou aux exploits des héros, on se réjouit de les voir berner les tyrans. Narré, il peut être écrit pour ne pas se perdre mais il se fige. Chaque conteur laisse alors la voix à un récit immuable que la vie, a contrario, rendait mouvant, instable, d’autant plus inattendu et mystérieux.
Mais si l’écrit n’avait pas pris soin de le transcrire, le conte eut disparu, emporté par les changements sociétaux, la modernité, les médias de chaque époque.
La légende (du latin « ad legenda », « qui doit être lue ») est tout autre. Elle est écrite et donc lue voire déclamée. D’abord religieuse, elle devient, au fil des temps, un récit onirique, historique, poétique, le tout mêlé la plupart du temps. Partant de faits réels, la légende s’étoffe pour intégrer les mythes, contes et autres fables. On trouve souvent une dimension mystique au mythe alors que la légende s’appuie sur des faits réels ou supposés tels, sur un personnage dont l’histoire est enjolivée pour justement en faire tour à tour une légende ou un mythe…
Où se situe la frontière? La légende est protéiforme, chaque pays s’étant forgé la sienne, les temps ayant fondu les textes entre eux pour en faire une sorte d’épopée universelle.
Alors, mythe de Faust, légende d’Ulysse, « Brennu-Njálls saga » ou saga de Njall-le-brûlé, conte de « Schneewittchen» (dite Blanche-Neige), conte du Chat-Botté, de Sindbad le marin…
Devant nous, « Mille contes et une légende » à moins que cela ne soit l’inverse, lus ou contés pendant mille et une nuit par notre Shéhérazade préférée, mille auteurs inconnus, disparus dans les brumes du temps ou inscrits à jamais dans l’aventure humaine, Homère, Rutebeuf, Grimm, Perrault…
Ceux-là ont laissé leur histoire sur le papier, en ont fait des livres, des « Contes et légendes ». Ce sera le thème de notre prochaine exposition de reliure d’art à laquelle je vous convie. Je sais votre talent. Vous saurez habiller avec excellence ces histoires éternelles qui ont bercé notre jeunesse et fascinent encore les adultes que nous sommes devenus.
Philippe Serrier,
Président de ARA France.